Parce que vous allez lui confier une partie de vous, le Docteur Procyk a décidé de vous livrer une partie de lui et de son parcours...
Docteur Stefan Procyk Décembre 2020
"Je suis né en Pologne en 1960.
Vers l’âge de sept ans, une valise en carton dans une main et dans l’autre celle de feu ma mère, je descends du train qui nous dépose à Lille. Après avoir traversé le rideau de fer et toute l’Europe, j'arrive en France, mon pays d’adoption.
Un parcours scolaire passionné
L’école de la République me mène jusqu’au baccalauréat scientifique et à dix huit ans, les choix sont difficiles entre des études de sciences humaines, politiques, biologiques ou une carrière d’ingénieur. Je trouve que la médecine allie justement tout cela avec la découverte de la biologie, de l’humain et cette démarche éthique omniprésente qui caractérise si bien ce métier. En septembre 1978, je démarre médecine à Lille."
Ma soif d’apprendre me porte et me permet de faire partie des premiers de ma promotion durant mon cursus. Grâce à mon travail sérieux, je suis pris comme prosecteur en anatomie, ce qui me permettra d’approfondir mes connaissances du corps humain, développer ma dextérité (ce qui me sera bien utile plus tard en chirurgie). Au sein de la faculté, je me lance dans la publication d'articles, notamment sur la vascularisation des muscles de la jambe ( oui déjà l’orthopédie ! ).
Les années de médecine passent, avec toujours des choix cornéliens à faire concernant mon orientation. Prendre une décision sur ma carrière n'est pas évident car beaucoup de domaines m’intéressent. Aussi je décide de préparer l’internat, un véritable concours à l’époque... Je suis reçu.
Toujours à la recherche du choix de spécialisation idéal et passionné par les méandres de l'esprit humain, je passe une année d'internat dans un hôpital psychiatrique, où je pratique déjà la chirurgie dans une unité de soin dédiée.
Je passe également du temps en réanimation comme externe car je commence sérieusement à envisager la chirurgie. Le grand patron me propose un poste.
Je le décline : je ne me vois pas affronter la résurrection et la mort au quotidien.
Un nouveau départ à Rennes
C'est ainsi que, ayant été reçu dans toutes les filières, je décide de me laisser le maximum de possibilités en choisissant la meilleure option dans le classement. Je quitte Lille pour Rennes et la filière "chirurgie" dans le but de faire de l’orthopédie. Je concilie ainsi mon goût de l’anatomie et un profond désir éthique de remettre les gens debout, dignes. Et non plus de tenter de lutter contre la mort.
Découverte de la chirurgie
En 1986, je découvre donc un monde différent. Celui de la chirurgie, qui allie démarche intellectuelle, effort physique, persévérance et dextérité. Cette dernière s’acquièrent avec l’expérience (et ce jusqu’à la fin de sa carrière). Je suis nommé dans le service du professeur Masse, éminent patron, qui a posé les bases de l’orthopédie moderne du CHU de Rennes au début des années 80. Son parcours atypique me fascinait : il avait débuté sa vie comme soudeur sur les voies de chemin de fer. C'est sa future épouse qui l'avait convaincu de retourner sur les bancs de l'école. Il passera le bac, médecine puis sera agrégé... Un bel exemple que l'humain est capable du meilleur quand il s'en donne les moyens !
Les journées d’interne d'alors sont bien différentes des journées d'interne d’aujourd’hui. Il n’y avait pas de temps limite, pas de repos, pas de récupération ni de temps universitaire, le burn-out était un concept inconnu. Nous travaillions, sans autre option que de donner le meilleur de nous-même, portés par l’énergie du savoir.
Mon patron était spécialisé dans les hanches, notamment les luxations congénitales, pathologie fréquente en Bretagne à l’époque. Son agrégé, le professeur Husson dans la colonne vertébrale. La chirurgie du genou débutait : j’ai pu grâce à eux, acquérir une formation solide dans la chirurgie des membres inférieurs et de la colonne vertébrale.
En hanche, dès 1988, nous étions dans les premiers centres français à poser des prothèses sans ciment. Et en 1990, je soutiens ma thèse de doctorat sur les prothèses dans les luxations de hanches sur la base de l’expérience du professeur Masse. Toute ma formation et mon temps libre sont consacrés à apprendre. Notamment en voyageant en France et à l'étranger dans de nombreuses écoles de chirurgie. Conscient que pour un même problème, il peut y avoir des approches différentes, j'avais à coeur de connaître le maximum de ma discipline afin de toujours choisir la solution ou l'approche la plus adaptée à une situation et au patient. J'ai donc structuré ma méthode et ouvert mon esprit en puisant dans des enseignements variés et des cultures différentes.
Je commence mes pérégrinations par la Suisse, où divers instruments sont conçus grâce notamment au professeur Müller, telles des plaques et prothèses pour le traitement opératoire des fractures osseuses et le remplacement de la hanche.
Je vais également en Espagne à l’institut Dexeus de Barcelone (prothèses sans ciment, allongement des membres , révolutionnaires à l’époque), puis passe six mois à Lille. Ce retour au sources parfait mes connaissances en genou auprès du Docteur Gougeon à la tête d’une unité spécifique.
Je suis un des rares français à aller régulièrement aux États-Unis, à l’époque bien en avance dans le domaine des prothèses de genou. Je deviens également membre de l’American Association of Orthopedic Surgeons.
Avec l’élan du professeur Husson, la chirurgie du rachis se développe et avec elle les possibilités de stabilisation des lésions de plus en plus complexes de la colonne vertébrale. Ceci m’amène à effectuer une formation à l’institut calot de Berck auprès du Docteur Chopin, pour apprendre à réaliser les montages complexes de scoliose vertébrales avec l’instrumentation "Cotrel Dubousset" qui vient d’être mise au point et qui a révolutionné la chirurgie mondiale du rachis.
Dans cette chirurgie du rachis, se pose le problème des douleurs séquellaires après cure de hernie discale. Et il apparait alors évident que nous devons tout faire pour limiter les agressions faites aux muscles entourant la zone opératoire.
Dans les pas du Professeur Saillant de la Pitié-Salpêtrière, le professeur Husson développe une grande expertise dans la chirurgie du sport, qu'il me partage et qui me sera très utile plus tard.
En 1992, j’ouvre le service d’orthopédie de la nouvelle Clinique Mutualiste de la Sagesse avec le professeur Thomazeau, mais très vite, je me lasse. Je ne supporte pas d'être enfermé dans la chirurgie du rachis et avec un état d’esprit non adapté à ce que je considère comme approprié aux contraintes de l'exercice de la médecine.
Arrivée à la clinique du Ter
En 1994, j’arrive à la clinique du TER à Lorient, à la pointe de la modernité de l’époque, cela permettra de revenir à aux piliers de ma pratique : rachis, hanche, genou et chirurgie du sport.
Dans la région Bretagne, je deviens le pionnier des prothèses en titane, sans ciment et dont le revêtement de surface est bio-compatible, car je suis persuadé qu’il faut coller au plus près de la nature, utiliser des matériaux et des techniques les moins délétères possibles.
La chirurgie des hernies discales amène à une réflexion sur l’agression chirurgicale, moins le dos est ouvert : mieux le patient récupère. Je crois alors qu’il faut généraliser ce principe et débute l’expérience des min-abords dans la chirurgie de la hanche.
De façon concomitante, aux États-Unis le Dr Mears développe des techniques similaires, avec d’autres collègues nous débutons l’expérience française en 2003. Mais rapidement , j’estime que les "promoteurs de la santé" vont trop loin, avec un rapport bénéfice-risque que je juge défavorable. Je décide donc de travailler à nouveau sur la "mini-voie postérieure" dont les premiers résultats positifs sont publiés en 2007.
La réflexion sur le sujet passe ensuite au genou, autant sur les choix d’implants que ceux techniques. Je deviens membre de la SICOT ( société internationale d’orthopédie). Je suis invité en Chine pour exposer ces techniques spécifiques de chirurgie de hanche de genou et enfin la transcollation.
La transcollation
C’est en 2014, lors d’un congrès américain, que je découvre ce système original de coagulation qui m’intrigue beaucoup. Il me faudra six mois de recherches bibliographiques, de contact constant avec le fabricant pour comprendre la transcollation et en voir son intérêt.
Le bistouri électrique, banalisé dans les pratiques chirurgicales, brule les tissus. A contrario, la transcollation est un système utilisant la radiofréquence qui elle, préserve les tissus, agissant comme un fer à souder tissulaire.
Le résultat est impressionnant : les patients ressentent nettement moins la sensation de douleur et se sentent en sécurité. Ils peuvent se mobiliser immédiatement suite à l'intervention, avec une durée de séjour en structure réduite à trois jours seulement, sans aucun artifice. La technique est décrite à l’académie de chirurgie au printemps 2015 avec ses résultats et j’ai l’insigne honneur d'intégrer la docte assemblée la même année.
Il s’agit d’une innovation de rupture, aujourd’hui utilisée aux États-Unis. Là-bas, la transcollation est utilisée majoritairement, c'est un des piliers de la prise en charge pour les hospitalisation en ambulatoire.
Aux US, dés 2015, les premières expériences de prothèses articulaires réalisées en ambulatoire débutent, mais la progression est lente et le chemin semé d’embuches. Je reste aussi dans l’observation, attendant le déclic de l’adaptabilité à la France. Une rencontre avec le Dr Villeminot en juin 2019, me donnera le top-départ. Je consacre mon été à étudier les protocoles des collègues américains, notamment ceux d'un collègue dirigeant un centre de chirurgie ambulatoire à San Diego.
Une conjonction de facteurs positifs et l’adhésion des équipes de la Clinique du Ter, me permet de démarrer la transcollation à l’automne. Les résultats sont au rendez-vous : pas de complication, ni de réadmissions, une satisfaction maximale des patients.
Aujourd'hui
L’évolution de ma pratique se dirige vers la navigation des prothèses de genou en réalité augmentée. Alors que, dans mon service j'ai remplacé les drogues de prémédication anesthésiques par des technique de réalité virtuelle. Cette technique, je m'applique à la démocratiser, ainsi qu'à y former le personnel soignant dans la clinique."
*Le conseil constitutionnel en date du 20/01/1984 déclare que tout chercheur se doit d’exprimer auprès du public le résultat de ses connaissances et ses recherches. Cet article de blog essaie d’y répondre.
Merci pour ces informations sur votre parcours exemplaire, et la démonstration de votre recherche permanente pour le bien être et la dignité de vos patients, ainsi que pour le développement de votre art et de la médecine.
Vous évoquez la chirurgie avec appui de l'intelligence artificielle. Elle semble améliorer la précision de la pose et de la conception des prothèses, et limiter encore l'ampleur des atteintes traumatiques osseuses et tissulaires. Elle est apparemment encore peu pratiquée actuellement en France. Est-elle pour vous une option d'avenir?
Si oui à quel horizon cette technologie d'appui serait-elle envisagée dans votre pratique?
Dans la négative, quelles sont pour vous les limites, et les freins de sa mise en oeuvre?